Bioproduction : le grand enjeu des biotechnologies 

le 20 juillet 2020, par l'équipe Labtoo

La bioproduction désigne la production de molécules biologiques (protéines, anticorps, hormones, membranes et autres macromolécules) par des systèmes vivants. Elle permet, dans le domaine de la santé, de traiter des maladies difficilement curables par des molécules chimiques : pathologies dégénératives, rares ou chroniques, cancers, etc. On peut ainsi retrouver les vaccins, la thérapie génique ou la thérapie cellulaire parmi ces stratégies thérapeutiques innovantes issues des biotechnologies.

 
 

Histoire de la bioproduction

La production de molécules biologiques a connu trois révolutions majeures en termes de produits et de techniques de production. Au début du 20ème siècle, la production était limitée à des métabolites primaires tels que le butanol, l’acétone, l’éthanol ou encore l’acide citrique, produits par de la fermentation bactérienne (production d’acétone par la fermentation ABE ou process de Weizmann).

La deuxième révolution arrive avec la seconde guerre mondiale et la découverte des antibiotiques. En utilisant des souches mutantes et la fermentation liquide submergée aérobique, l’industrie est désormais capable de produire des métabolites secondaires (pénicilline, streptomycine, …).

La troisième révolution a eu lieu grâce à l’apparition de la technique de l’ADN recombinant et de l’optimisation des paramètres de culture cellulaire. Les systèmes biologiques peuvent produire des biomolécules complexes dont les protéines, molécules difficilement synthétisables par la synthèse chimique.

Alors que jusqu'à la moitié du 20ème siècle, la bioproduction reposait sur l’utilisation opportuniste de systèmes biologiques produisant des molécules d’intérêt, la troisième révolution a permis de faire exprimer des molécules à un organisme qui n’en n’est naturellement pas capable. Aujourd’hui, la bioproduction repose essentiellement sur une expression basée sur la construction et le design du système biologique.

 

 

Biomédicaments : quelles différences avec les molécules chimiques ?

Un biomédicament est un médicament dont le principe actif est d’origine biologique, et non obtenu par synthèse chimique comme la plupart des substances de la pharmacopée actuelle. Les biomédicaments, étant par définition des macromolécules, diffèrent ainsi des petites molécules (small molecules) chimiques sur de nombreux aspects.

Les small molecules sont composées de 20 à 100 atomes et sont typiquement produits par synthèse chimique. Les biomédicaments (biologics) vont de quelques centaines d’atomes (par exemple les hormones) à 25 000 atomes pour les anticorps. Ils sont typiquement produits par un système cellulaire vivant, tel qu’un système bactérien ou viral.

Concernant le mode d’administration, les small molecules sont administrées par voie orale. La perméabilité cellulaire est plus élevée et elles peuvent atteindre des régions intracellulaires en passant des membranes cellulaires. Dans certains cas, elles peuvent passer la barrière hémato-encéphalique (BHE). Les biomédicaments, étant plus grands en taille et parfois plus instables de par leur structure, sont administrés par injection. De nombreuses cibles thérapeutiques ne sont pas accessibles aux biomédicaments, notamment par le blocage de la BHE, ou la membrane plasmique.

Cette différence au niveau du mode d’administration se manifeste ensuite au niveau de la distribution des médicaments : par circulation sanguine pour les small molecules, et par voie sanguine et lymphatique pour les biomédicaments.

Concernant les pathologies ciblées par les deux classes, les small molecules adressent un large spectre de pathologies. C’est également le cas pour les biomédicaments, mais ces derniers prédominent dans les domaines de l’oncologie, l’inflammation et l’immunité, des infections, des maladies métaboliques et cardiovasculaires.

Les biomédicaments coûtent quant à eux beaucoup plus chers, en raison des procédés de fabrication onéreux auxquels ils font appel. Les médicaments biosimilaires correspondent à l’application du concept des génériques pour les biomédicaments. Cependant, la démonstration de bioéquivalence entre deux biomédicaments est pratiquement impossible, du fait de la complexité physicochimique de ces produits et de la très haute technicité mise en œuvre en bioproduction. Il s’agira donc pour les industriels de démontrer la comparabilité de la copie et du princeps sur le plan de l’utilisation thérapeutique, et les données de qualité seront par ailleurs évaluées dans le détail pour établir que le procédé de fabrication de la copie fournit un biomédicament le plus proche possible physico-chimiquement de l’original.

 

 

Les défis de la bioproduction en France

La production de vaccins est l’activité de bioproduction la plus développée en France. Représentant au total plus de 8 500 emplois, l’offre française de bioproduction est globalement polarisée entre des PME prestataires produisant essentiellement des lots cliniques et des grands groupes produisant en propre lots cliniques et commerciaux. Malgré un vivier de sociétés, de compétences et de scientifiques reconnus en matière de biotechnologie, le réseau de bioproduction français est encore considéré comme insuffisant. La trentaine de sites de bioproduction implantés sur le territoire ne suffisent pas à contrer l’érosion de la production pharmaceutique qu’elle subit depuis maintenant une quinzaine d’années.

Ainsi, parmi les 11 principaux pays producteurs de médicaments en Europe, seuls la France et le Royaume-Uni ont vu leur production baisser entre 2004 et 2014, et la France est passé du 1er rang de producteur au 4ème, dépassée par la Suisse, l’Allemagne et l’Italie. La France a manqué au début des années 2000 le virage de la synthèse des premiers anticorps thérapeutiques, aujourd’hui matures d’un point de vue commercial ; et Sanofi et Novartis sont les seuls acteurs suffisamment dimensionnés sur le territoire pour soutenir la production à un niveau mondial de lots commerciaux d’anticorps monoclonaux.

Peinant à se positionner par rapport à ses voisins européens pour la production de médicaments biologiques, la France souffre d’un cruel manque de relais entre industriels et sociétés de biotechnologie, principalement constituées de start-ups. Ces dernières, manquant souvent de moyens techniques et financiers, font face à un écosystème déplorant une absence de sous-traitants capables de produire leurs lots cliniques : le risque de voir la production être délocalisée à l’étranger n’en devient ainsi que plus grand, malgré la volonté actuelle de recentrer la production en France.

Face à ces menaces, l’État français souhaite mettre en place une politique coordonnée pour encourager les collaborations entre des acteurs positionnés sur des technologies innovantes proches (thérapies géniques et cellulaires) et éviter la compétition entre les acteurs régionaux et leur offre de services. A cela devra s’ajouter une mise en relation facilitée des start-ups avec le tissu industriel et un accroissement de la visibilité des capacités de bioproduction françaises à l’international. La France a donc encore de nombreux enjeux à surmonter concernant son offre de bioproduction ; reste maintenant à savoir si elle saura devenir un acteur de référence sur le territoire européen dans ce domaine d’ici les années à venir.

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