Comment sortirons nous de la crise du Covid-19 ? 

le 23 avril 2020, par Christelle Tamby, PhD

La pandémie de Covid-19 touche aujourd’hui le monde entier. En France, si aucune mesure n’était prise, ce coronavirus pourrait être responsable de centaines de milliers de morts. Actuellement, une mesure de confinement pour une durée minimale de neuf semaines (par prolongements successifs) a été décrétée par les autorités. Son but est de limiter la propagation de la maladie afin de contrôler l’augmentation de cas graves qui surchargeraient des hôpitaux déjà engorgés, générant ainsi une mortalité accrue.

Une épidémie prend fin lorsque la population atteint son seuil d’immunité grégaire, c’est-à-dire qu’un pourcentage suffisant de la population a développé une immunité vis-à-vis du pathogène. Le virus ne pourrait donc pas infecter ces individus qui ne seront dès lors plus vecteurs de la maladie.

Ce seuil peut être atteint de deux façons : soit par l’augmentation progressive du nombre de personnes infectées par le virus et guéries, soit par la mise au point d’un vaccin administré largement au sein de la population.
La start-up française Labtoo, pour laquelle je travaille a sondé les membres de sa communauté de chercheurs en Sciences de la Vie et acteurs de l’écosystème biotech pour connaître leur avis sur les possibilités de sortie de crise.
 
 

Scénario de sortie de crise sanitaire

Concernant les solutions à court terme, un scénario revient régulièrement parmi les réponses, celui de l’émergence d’un traitement médicamenteux permettant une sortie accélérée du confinement. Actuellement plus de 50 essais cliniques sont en cours avec une grande majorité de molécules en repositionnement thérapeutique. Cette stratégie offre la possibilité d’accéder à un traitement rapidement sur le marché. Les molécules repositionnées peuvent être des antiviraux utilisés dans le traitement d’autres viroses, ou bien des molécules utilisées pour la prise en charge d’autres pathologies y compris non infectieuses, et dont une action sur le virus SARS-CoV-2 a été documentée in vitro, ou supposée par un mécanisme d’action connu.

Les molécules repositionnées dans les essais peuvent être :
Des antiviraux utilisés dans le traitement d'autres virus,
Des molécules utilisées pour d'autres pathologies, y compris non-infectieuses,
Des molécules dont l'action sur le virus du SARS-CoV-2 a été documentée in vitro,
Molécules sélectionnées pour leur mécanisme d'action connu.

En attendant le développement d'un vaccin, deux axes majeurs sont actuellement développés : d’un côté un traitement visant directement le cycle viral pour des thérapies précoces et de l’autre une approche visant à moduler la réponse immunitaire dont la suractivation est responsable de cas graves d’apparition retardée. Le développement de sérothérapies, consistant à injecter directement le plasma de patients guéris et immunisés est intéressant car elles permettraient de soutenir le système immunitaire des malades contre le virus. Ces traitements pourraient permettre de limiter la mortalité de la maladie ainsi que de désengorger les services de réanimation, mais n’empêcheraient pas la propagation de la maladie.

 

Sortie du confinement, pour quand ?

L’hypothèse émise par la majorité des membres de la communauté Labtoo est une sortie de confinement au-delà de 30 jours. Actuellement, la grande majorité des pays d’Europe a décrété la mise en place d’un confinement.

Le but du confinement est de casser la chaîne de transmission de la maladie et de limiter l’apparition de nouveaux cas dans le temps, et donc statistiquement de limiter le nombre de cas graves, afin de ne pas saturer les services de réanimation à l’hôpital et de pouvoir prendre en charge tous les patients qui en ont besoin.

Cependant, le confinement à un coût économique très fort : la Banque de France fait état d’une perte de 6% de PIB au premier trimestre, avec une perte additionnelle de 1.5% par quinzaine de confinement supplémentaire. Il est donc nécessaire de déterminer une durée optimale qui pénaliserait l’économie le moins possible tout en ralentissant au maximum la propagation du virus.

Dans un modèle de confinement strict sans sortie du domicile, la durée idéale correspondrait au temps maximal d’incubation (environ 14 jours pour le Covid-19) ajouté au temps moyen qu’un patient reste contagieux. À la sortie du confinement, il n’y aurait donc en théorie plus aucune personne vectrice et la sortie pourrait se faire de façon sûre.

En pratique, le confinement ne peut jamais être total car outre certaines professions qui continuent de travailler au quotidien, nous sommes également autorisés à sortir pour effectuer des achats essentiels. La transmission du virus, bien que moindre durant cette période de confinement, aura toujours lieu, ce qui générera des cas résiduels au-delà de la sortie de confinement. Deux possibilités s’offrent aux autorités pour décréter cette issue.

Une sortie de confinement plus tôt que celle préconisée par le conseil d’experts scientifiques permettrait de faire repartir l’activité économique du pays rapidement. Cependant, le nombre de cas résiduels sera assez important pour favoriser une nouvelle propagation et un deuxième pic épidémique.

Une telle remontée du nombre de cas causerait la nécessité d’une nouvelle période de confinement de plusieurs semaines. Nous perdrions alors les bénéfices de la première période de confinement et les retombées seraient sévères pour l’économie du pays.

Un confinement plus long implique de continuer à observer un important ralentissement de l’économie française dans l’immédiat pour avoir de meilleures retombées à long terme. Rallonger la période de confinement permettra de laisser le temps aux services de réanimation de l’hôpital de se désengorger ainsi que de diminuer le nombre de cas résiduels qui circuleront à la sortie, limitant très fortement le risque de second pic épidémique. Cependant, ces cas résiduels seront la source de nouveaux foyers d’émergence de la maladie, qui pourraient amener les autorités à reprendre de façon cyclique des mesures restrictives, plus souples qu’un confinement, comme l’explique le Pr. Alain Fischer. Ce scénario favoriserait une reprise progressive de l’activité économique du pays sans nouvelle interruption majeure.

Dans tous les cas, la sortie de confinement doit être accompagnée de mesures de surveillance permettant de contrôler la propagation du virus.

L’une des façons de limiter le risque serait un dépistage populationnel massif avant autorisation de sortie, avec mise en quatorzaine des patients positifs. Le développement d’un dépistage sérologique sera doublement utile, car outre les personnes atteintes, il nous informera également sur la proportion de personnes immunisées contre le virus, ou couverture immunologique de la population. Cette donnée permettra de mieux évaluer les possibilités d’émergence de nouveaux épisodes épidémiques et d’adapter les mesures afin de limiter leur impact jusqu’à ce que le seuil d’immunité grégaire soit atteint et qu’on puisse envisager un retour à la normale. Une possibilité évoquée par Anthony Fauci, directeur du NIAID, est que le virus devienne saisonnier, comme la grippe, ce qui nécessitera une prise en charge cyclique avec le développement annuel de vaccin.

 

Le retour à la vie normale et les leçons à tirer de cette crise

Il faut garder à l’esprit le fait que la sortie de confinement ne signifiera par un retour à la vie normale comme beaucoup l’espèrent. Au-delà d’un bouleversement national, la fermeture des frontières au niveau européen pourrait se maintenir le temps que chaque pays contienne localement l’épidémie afin d’éviter de nouvelles contaminations massives. La France connaît sa première grande crise sanitaire du XXIe siècle et les hôpitaux mettront plusieurs mois avant de retrouver un fonctionnement normal.

Sur le plus long terme des leçons seront à tirer de cette pandémie, notamment à l’échelle nationale, où des questions sur la reconstruction de l’hôpital public et sur le financement de la recherche, qui joue un rôle crucial dans l’issue de cette épidémie, seront à aborder avec sérieux.

En effet, depuis plusieurs années les chercheurs dénoncent régulièrement une difficulté de trouver des fonds pour mener à bien leur recherche selon les sujets étudiés, ainsi qu’un nombre trop faible de postes pérennes dans le secteur.

Aujourd’hui, certains scientifiques ont reçu des financements d’urgence afin de trouver rapidement une solution à cette pandémie, mais ceux-ci arrivent trop tard pour éviter les conséquences graves, tant sur le plan sanitaire que sur le plan économique comme le déplore Bruno Canard dans un entretien accordé au Monde. Il est nécessaire de reconsidérer la recherche comme un investissement sur le long terme avec un travail de fond essentiel afin de pouvoir mieux anticiper ce genre de crise à l’avenir.

À l’échelle individuelle nous pouvons aussi conserver dans la vie quotidienne les réflexes appris ou renforcés durant cette crise, à savoir les mesures barrière afin de limiter la propagation du coronavirus, mais a fortiori d’autres maladies infectieuses.

Vous avez besoin d'experts en développement de médicaments, en virologie ou en culture cellulaire pour votre projet de recherche sur le COVID-19 ?