le 12 nov 2019, par l'équipe Labtoo
HeLa. Terme qui apparaît dans 75 000 résumés d’articles scientifiques et dans le texte de 11 000 brevets. Découvrez l'histoire de ces cellules, digne d'un roman de science fiction.
Henriette Lacks, mère de 5 enfants, se rend à l'Hôpital John Hopkins à la suite de saignements. Lors de la consultation un premier prélèvement est réalisé et le diagnostic révéla une tumeur maligne très invasive.
Malgré un traitement local par des aiguilles de radium puis par radiothérapie aux rayons X, la jeune afro-américaine s'éteint en Octobre 1951, âgée seulement de 31 ans. L'autopsie révélera que les métastases avaient envahi presque tous les organes.
Pendant son traitement, le résident en charge de celui-ci réalise, à son insu, un prélèvement de sa tumeur avant les premières injections de radium. Cet échantillon sera envoyé au Dr George Gey, responsable des recherches en histologie à l'Hôpital John Hopkins. Gey et sa femme tentaient depuis 20 ans de cultiver des cellules humaines en laboratoire afin d'étudier et guérir le cancer, mais en vain.
Le jour où Gey eût les cellules d'Henrietta Lacks entre ses mains marqua un tournant pour la médecine, pour Gey et la famille Lacks.
Février 1951, la technicienne des Gey voit se développer, autour de l’explant qu’elle avait mis en culture, un halo de cellules en voie de multiplication. Ces cellules, elle les avaient appelées HeLa, pour Henriette Lacks.
La lignée était tellement proliférante, qu'il fallut très rapidement procéder à des repiquages. Jusqu’ici, il était impossible de cultiver des cellules humaines à l'extérieure d’un organisme. La lignée finissait par s’éteindre dû à un faible nombre de divisions. Plus tard on comprit que les divisions infinies étaient dues à la présence d’une enzyme particulière dans les cellules d’Henriette. Les cellules HeLa se divisaient si bien qu’on pouvait non seulement les étudier, mais également les distribuer dans d’autres laboratoires.
Gey disposait enfin de cellules cancéreuses pour lesquelles il était persuadé que de nombreuses recherches in vitro allaient devenir possibles. Et ce fût le cas, bien que d'autres lignées purent être établies à partir d'autres cancers, la lignée HeLa allait être très largement utilisée. Elle joua par exemple un rôle essentiel dans la mise au point par Jonas Salk du vaccin contre la poliomyélite dans les années 1950. Ces mêmes cellules ont participé au décryptage des tumeurs et des virus, à la mesure des effets de la bombe atomique, et à des avancées telles que la fécondation in vitro, le clonage ou la thérapie génique. Aujourd’hui encore, les cellules HeLa sont utilisées dans le cadre d’innombrables études liées à la cancérologie et la biologie.
Ce n'est qu'en 1973 que les descendants d'Henrietta Lacks prennent conscience de l'utilisation des cellules de leur mère. Cette année-là, on soupçonnait les HeLa d'avoir contaminé d'autres lignées cellulaires. C'est alors que des chercheurs d'Hopkins prennent contact avec les Lacks leur demandant des échantillons de sang et de tissus. Les Lacks pensaient que ces échantillons serviraient à savoir s'ils possédaient le gène responsable de la mort de leur mère. Mais la réalité était tout autre, ces échantillons allaient servir à étudier le génome des HeLa, les chercheurs trouveraient de précieuses informations sur Henriette, qu'ils pourraient utiliser dans leurs tentatives pour étudier ses cellules.
Aujourd'hui, grâce au travail de la journaliste Rebecca Skloot et au combat mené par les Lacks, la reconnaissance est venue peu à peu, à travers des articles de journaux, des événements commémoratifs, des livres ou encore un film. Par ailleurs, un accord fut établi entre les Lacks et le directeur du NIH (National Institutes of Health) : l'accès aux données concernant les cellules HeLa sera contrôlé par un comité dans lequel deux membres de la famille Lacks siègent.