Zoom sur le microbiote intestinal chez l’humain 

le 09 octobre 2020, par l'équipe Labtoo

Le microbiote intestinal est constitué d’un ensemble de micro-organismes (bactéries, mycètes, virus, protistes) dont le rôle est de mieux en mieux connu et documenté. Étroitement corrélé aux capacités digestives et immunitaires de son hôte, ce microbiote fait l’objet de nombreuses recherches, en particulier sur les pathologies inflammatoires et auto-immunes.

 

Qu'est ce que le microbiote intestinal chez l’humain?

Il existe chez l’humain plusieurs microbiotes, différant selon leur site de localisation : intestinal, cutané, génital masculin, vaginal, etc. Le microbiote intestinal est sans doute le plus connu, mais également le plus massif d’entre tous : comptant de 1012 à 1014 micro-organismes selon les individus, il représente une masse d’environ 2 kilogrammes d’agents commensaux principalement situés à la lumière du tube digestif. Il se répartit principalement entre l’intestin grêle et le côlon, à la surface du mucus protégeant l’épithélium intestinal. Les progrès réalisés en séquençage haut débit ont permis de mieux décrire les interactions entre le microbiote intestinal et son hôte ; et il est maintenant bien décrit que le microbiote intestinal exerce des fonctions immunitaires, digestives, métaboliques et neurologiques sur l’organisme humain. Un individu sain porte en moyenne 160 espèces de bactéries, dont la moitié est communément retrouvée d’un individu à l’autre. La très grande majorité de celles-ci sont anaérobies. Les virus et mycètes composant le microbiote intestinal ne sont pas aussi diversifiés que les bactéries, mais la diversité de l’écosystème intestinal dépend à la fois de facteurs biologiques, culturels et socio-économiques (âge, sexe, mode de vie, alimentation, hygiène…).

Le microbiote d'un individu se constitue dès sa naissance, au contact de la flore vaginale après un accouchement par voie basse, ou au contact des micro-organismes de l'environnement pour ceux nés par césarienne. La colonisation bactérienne a lieu de façon progressive, dans un ordre bien précis : les premières bactéries intestinales à coloniser le nouveau-né sont aérobies, telles que les entérocoques et staphylocoques. En consommant l'oxygène présent dans l’intestin, elles favorisent ensuite l'implantation des bactéries anaérobies telles que celles des groupes bactéroides, clostridium, bifidobacterium. Sous l'influence de la diversification alimentaire, de la génétique, du niveau d'hygiène, des traitements médicaux reçus et de l'environnement, la composition du microbiote intestinal va évoluer qualitativement et quantitativement pendant les premières années de vie jusqu’à se stabiliser par la suite. La fluctuation des hormones sexuelles peut cependant avoir un impact sur sa composition. Des traitements médicaux, des modifications de l'hygiène de vie ou divers événements peuvent aussi modifier le microbiote, de façon plus ou moins durable. Ainsi, un traitement antibiotique réduit la qualité et la quantité du microbiote sur plusieurs jours à plusieurs semaines. Les espèces initiales sont capables de se rétablir en grande partie, mais des différences peuvent subsister. Les antibiothérapies répétées au cours de la vie pourraient ainsi induire une évolution progressive et définitive du microbiote, potentiellement délétère.

 

Un rôle à la fois pathogène et thérapeutique

Le microbiote intestinal joue un rôle direct dans le processus de digestion : hydrolyse de molécules difficilement digérables telles que l’amidon et les polysaccharides végétaux, fermentation des substrats non digestibles, absorption de nutriments par réactions enzymatiques, régulation de voies métaboliques, etc. Le microbiote favorise également la motilité intestinale et l’irrigation de l’épithélium digestif, et est directement acteur du système immunitaire intestinal. Les bactéries commensales de l’intestin luttent en effet contre les agents pathogènes présents et permettent la maturation d’organes et d’éléments immunitaires tels que les plaques de Peyer, les lymphocytes, la rate et les ganglions lymphatiques. Ces différentes fonctions du microbiote intestinal l’amènent à exercer une influence positive ou délétère sur l’organisme en fonction de sa composition.

Un déséquilibre du microbiote en espèces bactériennes pro-inflammatoires et anti-inflammatoires, tout comme la prédominance de certaines familles de bactéries (Entérobactéries, Fusobactéries) ou la raréfaction d'autres espèces (Clostridia, Faecalibacterium) ont été décrits chez des personnes atteintes de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI).

Le microbiote intestinal est également impliqué dans certaines maladies métaboliques comme le diabète et l’obésité. Un état d’inflammation chronique, causé par les LPS libérés par des bactéries à Gram négatif, favorise ainsi l’insulinorésistance préalable au diabète et à l’obésité. Une augmentation de la perméabilité de l’épithélium intestinal permettrait également le passage des bactéries et de leurs métabolites dans l’organisme, favorisant alors cet état d’inflammation chronique.

Le microbiote intestinal possède un rôle majeur dans l’axe intestin-cerveau. Il constituerait potentiellement un facteur de risque ou d’amélioration dans certaines pathologies psychiatriques et neurodégénératives, telles que la schizophrénie, l’autisme, la maladie d’Alzheimer, Parkinson et les troubles anxieux. Les perspectives thérapeutiques ne manquent pas (administration de probiotiques, d’antibiotiques, etc.), bien que de nombreuses études restent à être conduites pour déterminer avec précision l’importance des effets du microbiote dans ces pathologies.

Dans le domaine du cancer, le microbiote intervient à deux niveaux : au niveau de la cancérogenèse elle-même et de l’efficacité des thérapies anticancéreuses. Un certain nombre de données permet en effet d'affirmer que certaines tumeurs sont liées à la présence de micro-organismes précis, ou encore d'une dysbiose au niveau intestinal. Des études montrent également une augmentation de l'incidence et de la sévérité de tumeurs mammaires chez des souris soumises à des régimes antibiotiques fréquents. Il existerait également une synergie d’action entre les médicaments anticancéreux et le microbiote intestinal ; c’est par exemple le cas du cyclophosphamide ou des immunothérapies, qui agissent en synergie avec la flore intestinale.

 

Les pistes thérapeutiques envisagées

Les maladies déclenchées ou entretenues par une dysbiose pourraient être soignées par six moyens thérapeutiques différents :

  • Une alimentation favorisant le développement des bactéries bénéfiques pour le système digestif.
  • Un traitement antibiotique ciblant les espèces néfastes impliquées dans la physiopathologie de la maladie. Cette option ne peut cependant être envisagée comme un traitement chronique du fait de la pression de sélection qu'elle peut engendrer ; elle pourrait aussi induire de nouvelles pathologies.
  • L'apport par voie orale de probiotiques, non pathogènes et démontrés comme bénéfiques pour la flore intestinale.
  • L'apport de prébiotiques, des composants alimentaires non digestibles, utiles à la croissance ou l'activité de certaines populations bactériennes intestinales.
  • Les symbiotiques, qui combinent pré et probiotiques.
  • La transplantation fécale, qui consiste à administrer une suspension bactérienne préparée à partir des selles d’un individu sain par sonde nasogastrique ou par lavement. Elle permet d'implanter un microbiote normal chez un patient malade. Cette option thérapeutique est d'ores et déjà efficace et utilisée dans les infections intestinales sévères à Clostridium difficile.

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