le 8 juin 2020, par l'équipe Labtoo
Les activités de Recherche du Développement ont été durement frappées par la crise du COVID-19 ; les entreprises pharmaceutiques et de biotechnologie commencent peu à peu à s’organiser pour faire face aux enjeux de la pandémie sur leurs essais cliniques. Entre impacts financiers, réglementaires voire stratégiques, Labtoo fait le point sur les conséquences de la crise sanitaire sur les essais cliniques en cours et à venir.
Beaucoup d’entreprises pharmaceutiques et de biotechnologie ont fait le choix d’arrêter temporairement leurs essais cliniques en cours. Selon le sondage Labtoo, 85% des chercheurs ont vu un report partiel ou total de leurs projets en phase de recherche clinique. Malgré la possibilité de les continuer en s’adaptant aux nouvelles recommandations des organismes réglementaires, il s’agit dans bien des cas de la seule option possible pour les entreprises.
Les agences réglementaires telles que la FDA et l’EMA ont en effet adressé de nouvelles lignes directrices pour les actuels essais cliniques, dont de nouvelles stratégies d’entreprise permettant de s’adapter à la crise tout en garantissant la sécurité des patients et en conservant l’intégrité de l’essai. Ayant également affirmé leur intention de rester flexible lors de l’évaluation des changements de protocoles et des données cliniques en résultant, leur objectif est de fournir un cadre réglementaire permettant aux promoteurs d’adapter leurs protocoles selon les phases en cours. Cela n’a cependant pas empêché l’arrêt ou du moins le report de bon nombre d’essais cliniques.
Les acteurs de la recherche clinique s’accordent sur le fait que l’impact du COVID-19 risque de devenir chronique, et les analyses réalisées par Charles River Associates indiquent que les conséquences risquent d’être particulièrement lourdes pour les études incluant l’une ou plusieurs des caractéristiques suivantes :
Alors que les promoteurs se concentraient principalement sur les études cliniques en phase de recrutement aux prémices de la pandémie, la décision d’arrêter ou non les essais s’est vite déportée à tous les projets, et ce peu importe leur phase en cours. Les acteurs industriels ont ainsi dû rapidement analyser les potentielles conséquences du COVID-19 sur l’intégrité des données cliniques et statistiques liées à leurs essais, et ainsi évaluer l’impact à long terme de la crise sur leur stratégie d’entreprise.
Les conséquences à venir du COVID-19 sur la recherche clinique seront essentiellement d’ordre financier, réglementaire et stratégique, nécessitant la mise en place de plans d’action de la part des industries encore jamais réalisés jusque lors.
Concernant l’impact financier de la crise, il est certain que les petites biotechs souffriront davantage de déficits à cause de l’arrêt des études cliniques. Les industries ne détenant qu’un actif unique pourraient aussi être beaucoup plus vulnérables. Ces arrêts et retards en recherche clinique sont susceptibles d’engendrer des demandes de financements supplémentaires de la part des petites entreprises, et le risque d’acquisition pour les sociétés à haut potentiel se retrouve ainsi beaucoup plus élevé. Ils sont également susceptibles d’entraîner des décalages dans les lancements de produits sur le marché, ce qui pourrait alors conduire à des réductions de la période de brevet et donc une baisse des bénéfices totaux réalisés sur ces produits. Enfin, ces délais dans les lancements de produits pourraient engendrer une plus forte compétition au sein de certaines aires thérapeutiques, où les compétiteurs disposeraient d’un temps supplémentaire d’adaptation et de réponse aux produits retardés.
D’un point de vue réglementaire, les acteurs de la recherche clinique ont globalement su anticiper les demandes des différentes agences du médicament – incluant de la documentation supplémentaire sur les protocoles et procédures mises en place pour faire face aux restrictions de la crise. Cependant, ce besoin imprévu en renseignements additionnels a pu poser problème aussi bien pour les équipes en charge des essais que leurs promoteurs, car devant fournir rapidement les pièces nécessaires pour remplir la demande des agences. Les mesures de distanciation physique et les restrictions de déplacement ont également engendré des écarts non prévus dans les protocoles initiaux ; et bien que la FDA et l’EMA ont annoncé que les écarts n’impactant pas significativement la validité de l’étude n’ont pas besoin d’être rapportés, les promoteurs doivent s’assurer que ces changements remplissent cette condition.
Enfin, l’impact de la pandémie sur la recherche clinique risque de se ressentir au niveau stratégique, notamment lors des négociations des prix des médicaments. Des délais supplémentaires dans ces négociations pourraient être observés, et ce même pour des classes de médicaments non concernées par le COVID-19.
Tous ces facteurs doivent ainsi être pris en compte par les promoteurs afin de garantir l’intégrité et la sécurité de leurs essais cliniques, tout en considérant la stratégie à employer afin de diminuer au maximum l’impact de la crise sur leurs revenus financiers. En plus de réévaluer leurs programmes de recherche clinique, les industriels vont devoir réexaminer leur politique de pricing et de financement de leur pipeline R&D ; et les défis posés par le COVID-19 risque d’avoir des graves retentissements pour les petites biotechs disposant d’une faible marge de manœuvre. Quoiqu’il en soit, il est certain que les sociétés qui anticiperont et s’adapteront rapidement à ces changements sont celles qui auront le plus de chance de s’en sortir.